Assurance chômage : ce qui change avec la nouvelle version de la réforme

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C’est une réforme de l’assurance chômage revue et – à peine – corrigée que la ministre du Travail, Elisabeth Borne, a présentée ce mardi 2 mars aux partenaires sociaux, lors d’une visioconférence. Son entrée en vigueur, déjà reportée à plusieurs reprises en raison de la crise sanitaire, devra encore attendre. En revanche, la philosophie de la réforme reste identique à celle qui avait prévalu en 2019, dans le « monde d’avant », à une époque où la baisse régulière du taux de chômage permettait de justifier le durcissement des conditions d’indemnisations, au motif de réaliser entre 1 et 1,3 milliard d’euros d’économies.

« La réforme a été conçue pour naviguer par grand beau temps, alors que nous traversons une tempête, voire un ouragan, qui va durer encore plusieurs années », souligne ainsi Jean-François Foucard, secrétaire national de la CFE-CGC (cadres), tandis que Matignon estime au contraire que la nouvelle version de la réforme a permis de « trouver les bons ajustements et le bon timing ».

Les non-dits de la réforme de l’assurance-chômage

Qu’est-ce qui va changer ? Les points les plus controversés sont maintenus, mais leur entrée en vigueur est prévue par étapes.

1er juillet : un nouveau mode de calcul

La réforme de l’assurance chômage commencera à prendre effet à compter du 1er juillet. Cette date a été retenue « en cohérence avec la stratégie vaccinale » qui permet d’espérer le retour à des jours meilleurs cet été, explique Matignon. « C’est le moment où les secteurs les plus atteints par les mesures sanitaires pourront retrouver la perspective d’un fonctionnement normal », ajoute le ministère du Travail. C’est donc à cette date qu’entrera en vigueur le nouveau mode de calcul du « salaire journalier de référence » (SJR), qui sert de base au calcul du montant de l’allocation.

Outre les économies attendues, l’exécutif défend « un enjeu d’équité » car l’indemnisation est actuellement plus favorable aux personnes alternant contrats courts et inactivité, qu’à celles travaillant en continu.

« Nous faisons face à trois vagues de chômage »

Conséquence directe : 840 000 personnes environ (soit 38 % des allocataires) auront une indemnisation en baisse, selon les calculs de l’Unédic, ce que confirme le ministère du Travail, qui estime que « plus de 800 000 personnes » seront concernées par une baisse du SJR. Cette baisse sera de 20 % en moyenne, comparé à ce qu’elles toucheraient sans la réforme, selon l’Unédic.

Pour corriger le dispositif, le ministère a prévu un plancher garantissant une allocation minimale, tandis que le nombre de jours non travaillés pris en compte sera plafonné.

Il n’empêche que toutes les organisations syndicales ont répété mardi leur opposition à la réforme. « Elle reste injuste, anachronique, incohérente et déséquilibrée », a ainsi tweeté le numéro 1 de la CFDT Laurent Berger. Selon ce syndicat, « certains demandeurs d’emploi, notamment ceux qui connaissent le plus de précarité dans leur emploi, verront leur allocation baisser de 250 € par mois ».

A partir du 1er octobre : un durcissement de l’accès à l’indemnité

Pour avoir accès à une indemnité chômage, il faudra avoir travaillé 6 mois au cours des 24 derniers mois, au lieu de 4, ce qui va exclure une partie des ayants droit actuels.

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Ce durcissement entrera en vigueur au plus tôt au 1er octobre. Mais il dépendra aussi d’une amélioration du marché de l’emploi, qui sera appréciée sur une durée de six mois à partir du 1er avril : il faudra qu’il y ait à la fois une baisse du nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A de 130 000 sur six mois et 2,7 millions d’embauches de plus d’un mois sur quatre mois. Or, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) prévoit au contraire une hausse du taux de chômage à 10,6 % fin 2021, contre 8,1 % avant la pandémie. Cet aspect de la réforme pourrait donc attendre des jours meilleurs. « Lorsque le marché du travail aura retrouvé une trajectoire de normalisation, certains paramètres de la réforme rejoindront le niveau de la réforme de 2019 », justifie-t-on au ministère du Travail.

A partir du 1er mars : la dégressivité pour les cadres

C’est un autre aspect de la réforme dont la date d’entrée en vigueur est suspendue à la clause de « retour à meilleure fortune ». Elle prévoit une baisse de l’allocation – une dégressivité – pour les salariés dont les rémunérations sont les plus élevées (4 500 euros mensuels brut, soit environ 3 500 euros net) et qui sont âgés de moins de 57 ans. 90 000 personnes sont concernées chaque année.

Le projet initial devait réduire leur indemnité de 30 % à partir du 7e mois. Mais face à la hausse du chômage, le gouvernement a décidé que la dégressivité s’appliquera temporairement à compter du 9e mois. Le durcissement sera déclenché au 7e mois lorsque la conjoncture économique s’améliorera.

Un bonus-malus pour les entreprises… après la présidentielle

La réforme devait créer un « bonus-malus » sur les cotisations sociales des entreprises, afin de les dissuader de recourir massivement aux contrats courts. Seules les entreprises de 11 salariés au moins sont concernées, dans sept secteurs gourmands en contrats précaires (hébergement-restauration, agroalimentaire, transports, notamment).

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Mais l’entrée en vigueur du bonus-malus est reportée : après une phase d’observation des entreprises, qui s’ouvrira le 1er juillet, ce volet de la réforme sera appliqué à partir de septembre 2022. Soit, bien après l’élection présidentielle d’avril-mai 2022. Autant dire que son application effective dépendra de l’issue du scrutin. L’exécutif souligne pour sa part que l’ouverture de la période d’observation des entreprises devrait déjà contribuer à lutter contre le recours abusif aux contrats courts.

Version allégée, puis version intégrale

« On a bougé sur quasiment tous les paramètres de la réforme pour trouver l’équilibre qui nous paraît le bon », estime-t-on au ministère du Travail. Insuffisant pour convaincre Force ouvrière :

« En substance, la ministre a annoncé que la réforme de l’assurance chômage allait être mise en place, dans un premier temps en version “allégée” à compter du 1er juillet 2021, et dans un second temps en version “intégrale” », commente Michel Beaugas, secrétaire confédéral de FO.

« Sous couvert d’objectifs de lutte contre la précarité et les contrats courts, de refonte du marché du travail, toutes les mesures proposées impacteront lourdement les droits des demandeurs d’emploi. »

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