Assurance-chômage : Indemnités, bonus-malus… Le gouvernement dévoile enfin son jeu et son calendrier

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Elisabeth Borne, la ministre du Travail.

Elisabeth Borne, la ministre du Travail. — Lionel Urman/Sipa USA/SIPA
Le gouvernement a dévoilé ce mardi les nouvelles pistes pour la réforme de l’assurance-chômage. Elle s’appliquera en partie en juillet 2021, certaines mesures étant reportées de plusieurs mois au vu de l’évolution de la crise. Les syndicats, eux, restent opposés à un projet qui leur semble totalement à contretemps.

L’exécutif a abattu ses cartes. Ce mardi, il a présenté aux partenaires sociaux (syndicats et représentants du patronat) ses arbitrages sur la très controversée réforme de l’assurance-chômage. Lancée par la précédente ministre du Travail, Muriel Pénicaud, elle avait été en partie suspendue en raison de la crise du coronavirus, puis retoquée partiellement par le Conseil d’État fin 2020.

Après ces péripéties, le gouvernement a donc revu son plan et son calendrier. D’abord annoncée pour avril, la réforme doit désormais s’appliquer le 1er juillet prochain. Néanmoins, certaines mesures n’entreront en vigueur que quelques mois plus tard, à condition que l’économie se redresse, et même en 2022 pour les plus tardives. On vous explique tout ça.

Ce qui change au 1er juillet 2021

La base de calcul des allocations, le fameux salaire journalier de référence (SJR), sera revue. Le gouvernement a conservé la disposition la plus critiquée par les syndicats, à savoir la prise en compte des périodes d’inactivité dans le calcul (auparavant, seuls les jours effectivement travaillés étaient décomptés). Seule nouveauté : ces jours d’inactivité ne pourront pas représenter plus de 43 % de la période étudiée.

Selon un exemple donné par le ministère du Travail ce mardi, un salarié qui aurait travaillé pendant huit mois sur la période de référence (deux ans), payé au Smic, aurait ainsi droit à une allocation-chômage de 667 euros pendant 14 mois, contre 985 euros pendant 8 mois avec la formule actuelle. Autrement dit, son allocation mensuelle baissera fortement, mais il sera indemnisé plus longtemps. Si l’exécutif vante « l’équilibre » de la mesure, Eric Courpotin (CFTC) s’étrangle : « les charges fixes du demandeur d’emploi, comme le loyer, ne baisseront pas, elles. Donc cela ne fera qu’augmenter sa précarité financière ». Toujours selon le ministère du Travail, plus de 800.000 demandeurs d’emplois verront leur allocation mensuelle baisser avec la réforme.

Autre changement prévu : les demandeurs d’emplois de moins de 57 ans, et dont le dernier salaire était supérieur à 4.500 euros bruts, pourront voir leur allocation baisser – jusqu’à 30 % – dès juillet. Cette « dégressivité » démarrera à partir du 9e mois de chômage.

Ce qui change à partir d’octobre 2021 (au plus tôt)

Le deuxième étage de la fusée est prévu pour l’automne. A ce moment-là, si les conditions économiques sont réunies, tous les demandeurs d’emploi devront justifier de six mois d’activité (contre quatre actuellement) pour avoir droit à des allocations. Et la dégressivité évoquée plus haut démarrera au 7e mois de chômage.

Ces deux mesures entreront en vigueur si et seulement si l’économie a redémarré. Pour le savoir, le gouvernement tiendra compte de deux indicateurs. D’abord, le nombre de demandeurs d’emplois inscrits à Pôle Emploi en catégorie A devra diminuer de 130.000 entre avril et septembre 2021. Ensuite, le nombre de déclarations préalables à l’embauche (DPEA), qui recensent les signatures de contrats (CDD ou CDI), devra être compris entre 2,4 et 2,7 millions sur une période de quatre mois consécutifs. Si l’un de ses deux indicateurs n’atteint pas le seuil souhaité en octobre, les mesures seront décalées jusqu’à ce qu’il bascule dans le vert.

Ce qui change en septembre 2022

Le fameux « bonus-malus » sur les contrats courts entrera en vigueur à ce moment-là. Pour rappel, les entreprises qui abuseront des CDD par rapport à la moyenne de leur secteur devront payer des cotisations supplémentaires, alors que celles qui privilégient les CDI auront droit à des exonérations. Par ailleurs, les secteurs les plus touchés par la crise, comme la restauration, seront exemptés jusqu’en 2024. Mais pourquoi ce dispositif ne démarre-t-il pas avant ?

En fait, le ministère du Travail estime qu’il faut une année d’observation, à partir de cet été, avant de mettre en place la mesure, qualifiée « d’ineptie » par le Medef. « Si les entreprises ne veulent pas de malus, elles devront faire attention dès cette année à la façon dont elles vont gérer leurs emplois », assure un proche d’Elisabeth Borne, la ministre du Travail.

Pour la CFDT, c’est surtout l’illustration que le gouvernement fait peser l’essentiel de l’effort sur les chômeurs : « comment parler d’une réforme "équilibrée" quand le bonus-malus limité à quelques secteurs ne touchera les entreprises que dans plus d’un an, alors que plus de 830.000 demandeurs d’emploi verront la baisse de leurs allocations dès juillet 2021 ? » a tweeté Laurent Berger, le n°1 du syndicat.

Ce qui peut encore changer à tout moment

Globalement opposés à la réforme, les syndicats ne comptent pas en rester là. Selon nos informations, la CGT et Force Ouvrière pourraient en effet saisir prochainement le Conseil d’État pour tenter de faire annuler tout ou partie de la réforme. En novembre dernier, ils avaient obtenu une première victoire avec l’annulation du nouveau mode de calcul du SJR évoqué précédemment, ce qui avait poussé le gouvernement à revoir sa copie.

Les syndicats ont d’ailleurs trouvé un allié inattendu en la personne d’Antoine Foucher. L’ancien directeur de cabinet de Muriel Pénicaud, qui avait bâti la réforme, se montre à présent très critique sur son timing. Dans une interview accordée au groupe Ebra le 1er mars, il n’hésite pas à affirmer que « politiquement, reprendre une réforme qui était à mon avis nécessaire dans le monde d’avant le Covid, mais qui serait aujourd’hui décalée par rapport au pays qui attend qu’on lui trace des perspectives globales d’après Covid, ça n’a pas de sens ».

Outre l’incertitude qui entoure l’application d’une réforme à cheval sur l’élection présidentielle l’an prochain, le cadre de l’assurance-chômage sera de toute façon rediscuté en novembre 2022. Les partenaires sociaux et le nouveau gouvernement devront alors se mettre d’accord sur les nouvelles règles d’indemnisation. Autant dire qu’en cas d’alternance à l’Elysée, la réforme pourrait très bien être durcie… Ou tout simplement enterrée avant d’avoir été totalement appliquée.

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