Pourquoi la vente directe séduit-elle autant les agriculteurs ?

Il y a 3 années 243

INTERVIEW

Peut-on parler d'une petite "revanche" des agriculteurs face aux grandes surfaces ? Depuis plusieurs années, les initiatives des producteurs pour vendre directement aux consommateurs se multiplient, et la crise du coronavirus a encore renforcé l'attractivité des circuits courts. C'est également ce qu'assurent Benoît Charbonneau, Jérôme Spruytte et Thibault Dupont, trois producteurs du Calvados et de l'Eure, où Europe 1 s'est déplacée pour prendre le pouls du monde agricole toute la semaine, faute de Salon de l'agriculture. Lundi matin, autour de Sébastien Krebs, ils évoquent l'impact positif de la vente directe sur leur activité.

Il y a d'abord, chez ces producteurs, la conviction que la vente directe permet de mieux vivre de son activité qu'en multipliant les intermédiaires dans la distribution. "Vous avez une valeur ajoutée puisque le produit est mieux vendu que si vous le vendez à un grossiste qui va vous pressurer pour l'achat de votre produit", assure Benoît Charbonneau, maire de Moyaux, dans le Calvados, et producteur de jus de pommes, de cidre, de calvados et de pommeau.

"Maîtriser la valeur ajoutée"

"Ce qui est important, c'est de maîtriser la production jusqu'à la commercialisation", insiste le producteur, dont le verger contient une dizaine de variétés de pommes. "Quand vous maîtrisez toutes les étapes, c'est vous qui avez la valeur ajoutée de votre produit. Vous ne la laissez pas à d'autre."

" Le consommateur nous permet de comprendre ce qu'il attend "

Derrière ce choix d'axer sa distribution sur la vente directe, il y a aussi la conviction que les produits sont mieux mis en valeur. "On est en contact direct avec le consommateur qui nous permet de comprendre ce qu'il attend et de donner ses appréciations sur le produit", insiste Benoît Charbonneau, qui vend 60% de sa production dans sa ferme.

Les produits du producteur de cidre sont également vendus à la ferme de Thibault Dupont, qui s'est installé à la Ferme des Gobettes à Saint-Sylvestre-de-Cormeilles, dans l'Eure, il y a quatre ans. "On a créé une Amap (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne), une association où les gens viennent chercher des paniers chaque semaine. On fait de la vente le samedi à la ferme, avec un petit marché."

La grande surface hors-jeu ?

Par ailleurs, Thibault Dupont et son épouse vendent leurs produits à deux restaurants et deux Biocoops au niveau local. "On traite directement avec eux. On travaille avec ce réseau-là parce que c'est un réseau qui est militant et qui garantit des prix qui nous permettent de bien travailler", atteste le maraîcher.

Un refus des grandes surfaces dans la distribution que défend également Jérôme Spruytte, qui produit du Pont-l'Évêque, un fromage protégé par une Appellation d'origine protégée. "On vend à peu près 50% à l'extérieur sur la France, mais qu'à des fromagers indépendants haut de gamme. Autrement, c'est local. Ce n'est que les petites boutiques."

Un circuit de distribution raccourci, plus à même de séduire le consommateur ? Avec les confinements et le couvre-feu, "on essaye d'acheter des produits locaux français, c'est-à-dire que l'on cherche à privilégier les producteurs qui sont proches de chez soi par esprit de solidarité, mais aussi parce que ça rassure dans un contexte anxiogène, alors que l'on ne sait pas toujours d'où vient le bio", expliquait ainsi l'économiste Pascale Hébel il y a un mois sur Europe 1. Un argument de plus pour ces agriculteurs de plus en plus vendeurs.

Une plateforme pour retrouver les points de vente

Pendant dix jours, le ministère de l'Agriculture a décidé de mettre en avant sur les réseaux sociaux les dispositifs de vente directe pendant dix jours grâce à la plateforme fraisetlocal.fr. Lancée mi-janvier, elle recense déjà 12.000 producteurs et points de vente dans toute la France.

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